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surtout aux incrédules qui se piquent de philosophie, par un christianisme philosophique. De là cette thèse persévéramment soutenue que le dogme peut être présenté sous une forme rationnelle, qu'il faut comprendre ce qu'on croit, qu'il n'y a point de mystère qui ne puisse être éclairci par des explications ou du moins par des similitudes choisies avec discernement, et que la dialectique, cette maîtresse de la raison, doit être conciliée LIVRE PREMIER. 42 Abelard, Tome I avec les croyances chrétiennes, si l'on ne veut pas qu'elle les ébranle, en les mettant en contradiction avec ses propres lois. Une conséquence assez naturelle était de placer l'autorité des philosophes presqu'au rang de celle des saints; de prétendre que la raison, révélation intérieure, avait conduit les premiers aux mêmes notions que les seconds sur la nature de Dieu et notamment sur la Trinité; que la vérité étant commune à tous, les sentiments qu'elle inspire avaient pu l'être, et qu'il ne fallait pas entièrement désespérer du salut des sages de l'antiquité. [Note 98: Ab. Op., pars II, p. 973. Tout le monde n'a pas regardé cet ouvrage comme celui qui fut brûlé à Soissons et qu'on a cru perdu. Mais il contient ce qu'à Soissons on lui reprochait d'avoir écrit, et les pensées et les expressions du prologue se rapportent parfaitement à ce qu'il dit dans l'Historia calamitatum de la composition de l'ouvrage condamné à Soissons. (Id., ep. I, p. 20. Voyez le c. II du l. III de cet ouvrage.) L'assertion pour laquelle Othon de Frisingen dit qu'Abélard fut condamné se trouve textuellement dans l'Introduction. (Id., Introd. ad Theol., l. II, p. 1078. De Gest. Frid., l. I, c. XLVII.)] Or, cette foi de la raison, implicite et confuse dans Platon, plus développée, plus authentique, plus puissante chez les chrétiens, c'est le dogme de l'unité de Dieu, seul incréé, seul créateur, seul tout-puissant, bien suprême et perfection infinie. Mais, en Dieu ne distinguent la puissance, la sagesse et la bonté; la première engendre la seconde, et la troisième procède de toutes deux. Car il y a encore de la puissance dans la sagesse, et la bonté qui n'est ni l'une ni l'autre serait nulle et vaine si toutes deux n'existaient pas, Tels sont les attributs distinctifs qui se personnifient dans le Père tout-puissant, dans le Fils, verbe de Dieu, éternelle raison, suprême intelligence, dans le Saint-Esprit, source divine de grâce, de charité et d'amour. Voilà les trois personnes de la Trinité, personnes distinguées entre elles éminemment par lesdites propriétés, mais qui n'ont qu'une essence, qu'une substance, puisqu'il n'y a qu'un Dieu dont toutes les oeuvres sont indivisibles et supposent à la fois la puissance, la sagesse et la bonté. Cette notion de la nature essentielle de Dieu devait être conciliée avec ses attributs généraux, avec son immutabilité, sa providence, sa prescience. Cette conciliation était l'objet de la dernière partie, qui est restée ou ne nous est parvenue qu'incomplète; et l'ouvrage touchait ainsi à toute les questions de la théodicée. Cette doctrine, qui sans être entièrement nouvelle ni dénuée d'antécédents réputés orthodoxes, se signalait cependant par un ton de hardiesse, par des subtilités hasardées, par un caractère général de liberté dans la discussion, devait à la fois séduire beaucoup de jeunes esprits, et alarmer beaucoup de consciences inquiètes. Le nom de son auteur, je ne sais quelles apparences aventureuses qui s'étaient toujours attachées à lui, la position qu'il avait toujours prise en dehors de l'ordre commun, la rendait plus suspecte, plus attrayante et plus périlleuse qu'elle ne l'eût été sous la protection d'un autre nom. L'intelligence était alors curieuse, excitée, et cependant soumise aux règles de la foi; elle aimait à raisonner et elle voulait croire. Ce qui semblait démontrer la croyance, convaincre la raison, satisfaire à ce besoin inquisitif d'examiner et de discuter, sans le déchaîner ni l'égarer, donner enfin au mystère la forme d'un problème et au dogme celle d'une solution, devait être saisi avec ardeur et accepté comme la découverte de la vérité parfaite et définitive. Les idées d'Abélard avaient dès longtemps transpiré par ses leçons, et s'étaient ouvert les esprits; le traité qui résumait ces idées et les livrait au publie eut un succès de propagande. C'était précisément l'instant où se formait contre lui la coalition des maîtres qu'il avait discrédités. Ils s'armèrent du prétexte que leur fournissait son imprudence; la malveillance et l'envie le dénoncèrent à la foi
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